Des livres et des anecdotes : La villa du silence
Nous sommes en 1921 et Alexandre Millerand est président de la république. En février, a lieu la signature d’une alliance franco-polonaise d’entraide militaire mais la France ne respectera pourtant pas ses engagements. En juillet, le ”BCG”, vaccin antituberculeux, élaboré par messieurs Gamette et Guérin, ouvre de nouveaux horizons pour la santé publique mondiale. Au mois d’octobre, à Paris, s’ouvre le 23éme salon de l’automobile.
Le spiritisme en France
Il se porte bien. Il existe un grand nombre de centres et on organise un peu partout des conférences. Le spiritisme est en marche.
Durant la première guerre mondiale, les centres spirites ont apporté un grand soutien auprès des populations par des aides matérielles et des aides spirituelles. Dans de nombreux cas, des soldats morts se sont manifestés au travers la photographie.
Léon Denis vient d’éditer La grande énigme. Ces ouvrages sont répandus dans le monde entier.
Beaucoup d’expériences se réalisent encore comme celles faites avec le médium polonais Franek Kluski, à Paris. On obtient des dizaines de moulages de pieds et de mains, certains sont de dimensions anormalement grandes ou petites. Ils sont impossibles à obtenir naturellement et plusieurs artistes mouleurs, ayant examiné les moules, le certifieront : « Nous avons fait de nombreuses tentatives pour produire artificiellement, par les moyens les plus divers, des gants analogues à ceux qui nous avaient été soumis. Elles ont complètement échoué. Nous concluons qu’il nous est impossible de comprendre comment ces moules ont été obtenus. »
Son ouvrage
La Villa du Silence est un récit passionnant qui expose, dans ses traits principaux la partie phénoménale du spiritisme. Les épisodes cités sont d’une rigoureuse exactitude, car ils sont, en quelque sorte, calqués sur les expériences les plus sévèrement contrôlées. On peut dire que c’est bien l’examen attentif de toutes ses manifestations qui a donné naissance à ce roman. Il permet de répondre à ces questions : Qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ?
La méthode adoptée par l’auteur permet de faire connaître au grand public les phénomènes et les théories du spiritisme. Loin de l’aridité de l’étude et des discussions purement scientifiques, les lecteurs pourront facilement comprendre comment le monde terrestre est lié avec le monde des Esprits. On oublie l’extraordinaire pour s’imprégner au plus profond des lois divines, justes mais encore inconnues.
Mais ce n’est pas la première fois que ce qu’on les on utilise dans la littérature. Au siècle dernier, les écrivains les plus illustres, n’ont pas dédaigné d’y avoir recours. Le grand Balzac dans Louis Lambert et Séraphitus et Séraphita nous a fait connaître les théories swedenborgiennes. Dans Ursule Mirouet, il ne craint pas de faire apparaître l’ombre du vieux docteur qui vient consoler sa pupille en butte aux machinations d’une famille jalouse.
Le prodigieux génie dramatique d’Alexandre Dumas père, dans Joseph Balsamo nous fait assister à des scènes de magnétisme des plus variées et même dans La Comtesse de Charny à ce qu’on appellerait aujourd’hui une apparition télépathique, lorsque le fils d’André de Taverny voit, dans la forêt de Villers-Cotteret, le fantôme de sa mère. Enfin dans le Vicomte de Bragelonne, Athos mourant perçoit l’âme de son fils, blessé mortellement sur la côte africaine, et le dégagement de son corps monter dans l’espace.
Tous ces phénomènes ont une réalité indiscutablement établie aujourd’hui.
Je suis absolument persuadé que La Villa du Silence charmera les lecteurs, car, à l’intérêt passionnant du récit, à la gradation savamment ménagée des épisodes s’ajoutent des discussions bien conduites qui mettent en relief l’importance philosophique de chacun de ces événements et il en résulte une vue d’ensemble de la doctrine spirite, tout particulièrement de l’enseignement des vies successives, qui se gravera dans la mémoire de tous les lecteurs.
Ecoutons donc un passage
Aussitôt après mon déjeuner, je m’acheminai vers la Villa du Silence, et comme je poussai la grille, les premières gouttes de pluie se mirent à tomber.
A peine avais-je eu le temps de pénétrer dans la pièce où j’étais déjà venu, qu’une averse diluvienne survint, m’apportant un peu de soulagement en rafraîchissant l’air saturé de chaleur.
Je m’étais assis sur une chaise, et je regardais les ravages de la tempête sur les grands arbres et la verdure du parc. J’étais tellement absorbé dans ma contemplation qu’un instant j’oubliai le but de ma visite à la villa.
Un moment d’accalmie me rappela à la réalité. Machinalement je regardai l’heure à ma montre. Quatre heures, le fantôme allait donc bientôt apparaître.
Et, comme je faisais cette réflexion, la chambre s’éclaira soudain d’une lumière étrange, à tel point que j’eus l’illusion du soleil ayant subitement percé les nuages, comme cela arrive parfois après une violente averse, mais je ne tardai pas à reconnaître mon erreur, car la pluie avait repris à nouveau et le ciel était de plus en plus sombre.
Du reste la lumière qui éclairait la chambre, ne pouvait rien avoir de commun avec la lumière solaire.
Elle était à la fois douce et forte, comme irisée, avec des tons chatoyants admirablement fondus les uns dans les autres, son effet était tel que tous les objets épars dans la pièce semblaient se détacher nettement sur elle.
Mes yeux émerveillés contemplaient ce phénomène étrange, puis je me rendis compte immédiatement pourquoi tout tranchait nettement sur cette luminosité extraordinaire. L’étrange lumière ne produisait aucune ombre. Elle pénétrait partout d’une manière égale et enveloppait chaque objet en accentuant les lignes droites ou courbes de leurs formes.
Soudain, très nettement, je vis se former devant moi, une ombre légère, lumineuse elle-même, qui peu à peu prit la forme humaine ; en moins d’une minute cette forme devint plus consistante, plus grande, plus nette, pour enfin se matérialiser complètement. Le fantôme était là, souriant, d’un sourire un peu triste.
Muet d’étonnement, je regardais, impressionné.
— Me voici, dit le fantôme, voyez, je suis exact. Le son de cette voix secoua mon hébétement et je balbutiai :
— Je suis de plus en plus étonné. Voilà trois jours vous m’avez surpris apparaissant brusquement, aujourd’hui vous vous êtes formé sous mes yeux, tout cela me remplit à la fois d’étonnement et de crainte.
— Ne craignez rien, je ne suis point, je ne peux pas être une créature malfaisante. J’accomplis ici une mission, je dois me conformer strictement aux ordres qui me sont donnés par des volontés supérieures.
Aujourd’hui je dois vous révéler une chose que dans un siècle les hommes sauront couramment, parce qu’à ce moment l’humanité dont vous faites partie, aura légèrement progressé sur la route, la grande route de la Sagesse.
Si vous le voulez bien, je vais reprendre mon histoire et vous dire ce qui se passa après ma mort.
Depuis ma dernière apparition, vous avez pu tout à loisir vous renseigner sur tout ce que je vous ai dit, vous avez pu vous convaincre que je ne vous avais pas induit en erreur. Vous êtes allé à Blois, vous avez vu le descendant de ma famille, vous avez eu de sa bouche, la confirmation de certaines de mes révélations. Il ne peut donc y avoir place pour le doute dans votre esprit. Retenez maintenant tout ce que je vais vous apprendre, surtout conformez-vous entièrement et aveuglément aux instructions que je vais vous donner.
Donc aussitôt que je tombai sur les cadavres du marquis et de sa fille, il me sembla pourtant que je ressentais encore l’impression de tout ce qui se passait autour de moi, mais cela était comme en un rêve, sans que je pusse analyser la nature de mes sensations. Je voyais, j’entendais, mais je me sentais comme cloué sur place.
Bien mieux, j’eus tout à coup une épouvante horrible, terrifiante, je vis mon enveloppe charnelle étendue sans vie : je me reconnaissais, c’était bien moi, je sentais même la douleur de ma terrible blessure par laquelle le sang s’échappait à flots.
Puis ce fut encore une autre épouvante : tous ces gens qui venaient d’être tués ressuscitaient les uns après les autres, pourtant je voyais aussi leurs corps inertes couchés sur l’herbe rougie de leur sang.