Des livres et des anecdotes : Des preuves, en voilà
Nous sommes en 1917 et c’est une année charnière. Elle est jalonnée d’événements qui ont été décisifs pour le XXème siècle. Le 6 avril, les États-Unis entrent en guerre contre l’Allemagne et endossent pour la première fois le costume de gendarme du monde. En Russie, la Révolution d’octobre accouche du premier système totalitaire. Marie Curie crée les premières unités mobiles de soins sur le front et pose les fondations du premier centre anti-cancer.
1917, c’est aussi le premier dessin animé, le premier disque de jazz, le premier film politique de Chaplin et la création de la coupe de France de football. 1917, c’est également les décès de Rodin, de Degas, de l’Abbé saunière et de Buffalo Bill.
La spiritualité de l’époque
Le 13 juillet 1917, à Fatima, trois enfants disent avoir eu plusieurs apparitions de la Vierge Marie. Elle leur fait des prédictions quant à des faits qui bouleverseront le Portugal. Au même endroit, le 13 octobre 1917, soit exactement 3 mois plus tard, 70 000 témoins assistent à un événement étonnant qu’on appellera « la danse du soleil ».
En 1917, comme déjà en 1898, le Saint-Office condamne une nouvelle fois la doctrine spirite. Effrayé par l’essor que prend le mouvement, qui est à son apogée en ce début de XXème siècle, le Vatican fait publier un décret, le 24 avril 1917, interdisant à tous les membres de l’Église catholique, religieux ou laïques, de communiquer avec le monde spirituel. Cette décision marquait un tournant dans la politique de Rome qui abandonnait ainsi sa tradition de l’enseignement mystique pour s’attacher au matérialisme du XXème siècle. La rupture fut d’autant plus grande que beaucoup de catholiques canonisés dans le passé, comme Sainte Catherine de Ricci, Sainte Lidwine ou Saint Oswald, avaient justement été déclarés « saints » en raison de leurs contacts fréquents avec l’au-delà. D’autres églises chrétiennes, comme l’église protestante par exemple, ne décidèrent aucune interdiction.
Le spiritisme
Jean Meyer acquiert la Société Parisienne d’Études Spirites et, avec le concours de Léon Denis, reprend la publication de La Revue Spirite.
Avec le soutien de Léon Denis et de Gabriel Delanne, il crée aussi l’Union Spirite Française (USF) dont il installe provisoirement le siège dans sa propre villa à Paris.
L’auteur
Figure incontournable du spiritisme lyonnais, Henri Sausse est né le 6 mai 1851. Il devient spirite dès l’âge de 16 ans, après un premier contact « frappant » qu’il relate dans son ouvrage Des preuves ? En voilà ! :
« C’était en 1867, un soir d’hiver ; nous étions autour du feu, mon Père, ma Mère, mon Frère et moi quand se produisit dans la cheminée, une détonation semblable à celle d’une arme à feu. Ma Mère sursaute et mon Père lui dit : « De quoi as-tu peur ce sont nos morts qui manifestent leur présence », et j’ajoutai : « Eh bien si ce sont nos morts qu’ils recommencent ». Au même instant deux bruits se produisent ; l’un venant de la cheminée et semblable au premier, le second venait de ma joue sur laquelle ma Mère venait d’appliquer la plus magistrale gifle que j’ai reçue de ma vie. Je ne dis pas à ma Mère : « Recommence ».
Deux ans plus tard, en 1869, lorsqu’Allan Kardec se désincarne, Henri Sausse s’efforce d’étudier son enseignement dans tous ses détails afin de mieux comprendre et diffuser le spiritisme. Il intègre alors le groupe Finet, qui se réunissait avec beaucoup de sérieux sur Lyon tous les mardis, jusqu’à ce que le Préfet Ducros, assimilant les spirites à des anarchistes, n’oblige le groupe à interrompre ses activités en 1873. Henri Sausse poursuit les séances devenues illégales dans sa chambre de garçon de la rue Mazenod puis, après que « l’ordre moral » se soit fait moins pressant, les séances reprennent chez un couple de spirites au 14 rue Moncey.
En 1883, il crée le groupe Amitié, chargé de développer les médiumnités latentes de ses membres, mais il n’obtient pas les manifestations physiques attendues. Il parvient, non sans mal, à mettre une médium en situation de somnambulisme et lui demande alors pourquoi il n’arrive à obtenir aucun phénomène de coups frappés ou de tables tournantes. Les esprits lui répondent par cet intermédiaire « Lorsqu’on sait lire couramment, on n’a plus besoin d’épeler. Vous savez tous écrire ; écrivez-donc au lieu de perdre votre temps et le nôtre. » La médium, Mlle LOUISE, mettra ses belles capacités à la disposition du groupe jusqu’à ce qu’elle se marie en 1890..
C’est aussi en 1883 que, devant la multiplicité des groupes, un autre spirite lyonnais, Laurent de Faget, propose la création d’une Fédération Spirite lyonnaise dont il deviendra le président. Henri Sausse, déjà reconnu pour son grand dévouement à la cause spirite, est élu vice-président à l’unanimité le 30/09/1883. Il deviendra président de cette Fédération lyonnaise 9 mois plus tard, après le départ de Faget pour la capitale.
Après la première conférence que Léon Denis donne à Lyon, le 23 octobre 1887, une belle et solide amitié naît entre les 2 hommes et va amener Henri Sausse à écrire, 30 ans plus tard, une biographie de Léon Denis en s’appuyant sur plus de 250 lettres qu’il avait conservées de leur correspondance.
Ce n’était pas sa première biographie puisque, déjà en 1896, il avait écrit une biographie d’Allan Kardec, préfacée par Léon Denis.
L’ouvrage
L’ouvrage Des preuves ? En voilà !, paru en 1917, est donc son deuxième livre. Sous-titré « Résultats de plus de 50 années d’études et de persévérantes recherches », il nous montre la patience, la persévérance, le sérieux, l’abnégation dont il a fallu faire preuve pour réussir à obtenir quelques résultats remarquables dont des apports ou des moulages d’un grand intérêt.
On peut distinguer deux grandes parties : les phénomènes obtenus et analysés au groupe Amitiés, entre 1883 et 1890, et ceux qui ont suivis, au groupe Espérance entre 1910 et 1914 (du 21 mars 1910 au 27 juillet 1914 pour être précis).
Ce sont les guides qui donnent le nom à ce 2ème groupe, en promettant de le justifier. Sur leurs conseils également, de nouvelles directions sont prises pour éviter les écueils qui avaient entravé les travaux du groupe Amitié.
A titre d’exemple, le 4 décembre 1911, un Esprit clérical se nommant le Grand Vicaire dicta une prière en latin ainsi que sa traduction française. Les membres du groupe ignoraient le latin. Soucieux de contrôler la valeur de cette prière en latin, Henri Sausse la montra à M. Rossigneux, professeur de latin et de grec : « Oh ! me dit-il, c’est du latin de cuisine ; c’est un prêtre qui a dû dicter cela, les mots sont mal assemblés ; la traduction est bonne, mais elle sent le séminaire : je ne l’aurai pas faite ainsi.» Difficile d’imaginer une confirmation plus spontanée !
Ecoutons donc un passage
Avant d’aborder le récit des expériences faites, au groupe Amitié et au groupe Espérance, pour guider dans leurs recherches, ceux qui auront la volonté, la patience et la persévérance nécessaires pour mener leurs travaux à bien, et aussi pour les seconder par l’expérience acquise, je leur dis ; il ne faut pas espérer obtenir des résultats bien saillants dans une réunion trop nombreuse. Le but des sociétés spirites n’est pas de montrer aux incrédules des phénomènes extraordinaires, mais de propager par tous les moyens en leur pouvoir, conférences, causeries, distributions de tracts, brochures, etc, la consolante philosophie du spiritisme, d’attirer sur elle l’attention de tous ceux qui doutent, qui souffrent et qui cherchent, leur cœur n’étant pas plus satisfait que la raison des mythes religieux dont on berna leur enfance ; de les mettre sur la voie d’une philosophie positive reposant, non sur des données métaphysiques, plus ou plus ou moins fardées, mais sur des faits réels, absolument probants et rigoureusement contrôlés ; de les inciter à rechercher et étudier eux-mêmes les phénomènes du spiritisme afin d’en déduire les conséquences qu’ils comportent et de baser leurs convictions seulement sur leurs expériences personnelles, rien n’ayant à nos yeux, autant de poids que ce que nous avons contrôlé nous même.
Mais, pour arriver à des résultats satisfaisants, probants, il est indispensable de se placer dans les conditions voulues ; pour cela il faut créer un cercle restreint de personnes ayant une grande communauté de désirs, de sentiments, étant animées d’une mutuelle sympathie, d’une confiance réciproque. Lorsque dans un groupe établi sur ces bases et composé de 8 à 15 personnes au plus, des deux sexes autant que possible, on aura pu réaliser l’harmonie fluidique nécessaire, on sera bien près du but poursuivi ; mais il faut, je le répète, une grande assiduité aux séances, beaucoup de régularité, de patience, d’efforts sur soi-même ; il faut encore le concours des invisibles qui nous assistent, concours sans lequel la production des phénomènes serait impossible, ou ne serait qu’un leurre ; il faut enfin,condition sine qua non, avoir un médium développé ou non. Avec de la bonne volonté, de la bonne foi, l’amour seul de la vérité, le concours de nos guides ne nous fera jamais défaut, nos amis de l’espace étant toujours désireux de nous témoigner leur sympathie, et de nous prouver leur présence lorsque nous les sollicitons.