Des livres et des anecdotes : Bonne nouvelle
L’auteur spirituel
Humberto de Campos Veras est né au Brésil en 1886. Journaliste mais aussi homme politique, il écrit de nombreuses ouvrages, des nouvelles et des essais ainsi que des poésies. En 1920, il devient président de l’académie des lettres. Il se désincarne en 1934 à l’âge de 48 ans.
Quelques années plus tard, il se communique et dicte au médium Chico Xavier des livres. Voici dans l’ordre ceux qui sont actuellement traduits en français.
– Chroniques de l’au-delà (1937)
– Messages spirituels (1938)
– Bonne nouvelle (1940)
– Reportages de l’au-delà (1942)
– Lazare revifié (1945)
– Lumière céleste (1947)
– Leçons de vie (1950)
– Contes spirituels (1957)
– Contes d’ici et d’ailleurs, pas édité en français
– Lettres de l’au-delà (1966)
– Album de vie, pas édité en français
Suite à des questions de droits d’auteur, l’auteur spirituel signera du nom de frère X les ouvrages qu’il dicte au médium à partir de 1947.
Ecoutons un passage
Chapitre 15 : Jeanne de Chuza
Parmi la foule qui accompagnait invariablement Jésus durant les prédications du lac, se trouvait toujours une femme au dévouement rare et au noble caractère, des mieux placées dans la société de Capharnaüm. Il s’agissait de Jeanne, épouse de Chuza, intendant d’Antipas, dans la ville où se conjuguaient les intérêts vitaux des commerçants et des pêcheurs.
Jeanne possédait une véritable foi. Cependant, elle ne parvenait pas à se plier aux amertumes, car son compagnon de lutte n’acceptait pas les lumières de l’Évangile. Analysant ses ennuis intimes, la noble dame alla à la rencontre du Messie, un jour où il se reposait dans la maison de Simon, et lui exposa la longue liste de ses contrariétés et souffrances. Son époux ne tolérait pas la doctrine du Maître. Haut fonctionnaire d’Hérode, en contact suivi avec les représentants de l’Empire, il répartissait ses préférences religieuses tantôt avec les intérêts de la communauté judaïque, tantôt avec les dieux romains, ce qui lui permettait de vivre dans une tranquillité facile et profitable. Jeanne confessa au Maître ses peurs, ses luttes et ses dégoûts au sein de l’ambiance familiale, exposant ses amertumes en face des divergences religieuses existantes entre elle et son compagnon.
Après avoir écouté ses longs propos, Jésus lui suggéra :
— Jeanne, il n’y a qu’un seul Dieu, qui est Notre Père, et il n’existe qu’une seule foi en ce qui concerne nos relations avec son amour. Dans le monde, certaines manifestations religieuses ne sont bien souvent rien d’autre que des vices populaires dans les habitudes extérieures. Tous les temples de la Terre sont en pierre. Je viens au nom de Dieu ouvrir le temple de la foi vive dans le coeur des hommes. Un combat commence à s’instaurer parmi les disciples sincères de l’Évangile et les erreurs millénaires du monde, le combat sans sang de la rédemption spirituelle. Remercie le Père de t’avoir jugée digne du bon travail, dès à présent. Ton époux ne comprend pas ton âme sensible ? Il te comprendra un jour. Il est inconséquent et différent ? Aime-le, même ainsi. Tu ne te trouverais pas liée à lui s’il n’y avait pas une juste raison à cela. En le servant avec un dévouement amoureux, tu seras en train d’accomplir la volonté de Dieu. Parle-moi de tes craintes et de tes doutes. Pour l’Évangile, tu dois l’aimer encore plus. Les personnes en bonne santé n’ont pas besoin de médecin. D’autre part, nous ne pourrons pas cueillir de raisin sur les épines, mais nous pouvons préparer le sol qui a produit des chardons empoisonnés afin que nous y cultivions la vigne merveilleuse de l’amour et de la vie.
Jeanne laissa entrevoir dans le doux éclat de ses yeux la satisfaction intérieure que ces éclaircissements lui causaient. Mais révélant entièrement son état d’esprit, elle demanda :
— Maître, vos paroles soulagent mes pensées tourmentées. Cependant, je ressens une difficulté extrême pour atteindre une compréhension réciproque au sein de mon foyer. Ne pensez-vous pas que j’ai raison de lutter afin d’imposer vos principes ? En agissant ainsi, est-ce que je ne serais pas en train d’amener mon époux au changement vers le Ciel et vers votre Règne ?
Le Christ sourit sereinement et répondit :
— Qui de celui qui a atteint les berges sûres de la connaissance avec le Père ou de celui qui se débat encore parmi les vagues de l’ignorance ou de la désolation, de l’inconscience ou de l’indolence de l’esprit sentira le plus de difficultés à tendre ses mains fraternelles ? Quant à l’imposition des idées, poursuivit Jésus, accentuant l’importance de ses paroles, pour quelle raison Dieu n’impose-t-Il pas sa vérité et son amour aux tyrans de la Terre ? Pourquoi ne foudroie-t-Il pas d’un éclair le conquérant impitoyable qui répand la misère et la destruction par les forces sinistres de la guerre ? La sagesse céleste ne met pas fin aux passions : elle les transforme. Celui qui a jonché le monde de cadavres s’éveille parfois à Dieu par une simple larme. Le Père n’impose pas le changement à ses enfants : Il les éclaire le moment opportun. Jeanne, l’apostolat de l’Évangile est celui de la collaboration avec le Ciel, dans les grands principes de la rédemption. Sois fidèle à Dieu, aimant ton compagnon terrestre, comme s’il était ton fils. Ne perds pas de temps à discuter de ce qui n’est pas raisonnable. Dieu n’organise pas de luttes avec Ses créatures et Il travaille en silence, pour toute la Création. Va ! Efforce-toi aussi au silence et, quand tu seras convoquée à l’ex¬plication, utilise le verbe doux ou énergique du salut, selon les circonstances ! Retourne-t’en à ton foyer et aime ton compagnon comme le matériel divin que le Ciel a mis entre tes mains afin de réaliser une oeuvre de vie, de sagesse et d’amour !
Jeanne de Chuza ressentait en son cœur un doux soulage¬ment. Adressant à Jésus un regard affectueux de remerciement, elle entendit encore ses dernières paroles :
— Va, ma fille ! Sois fidèle !
Depuis ce jour qui, dans son existence, devint mémorable, la femme de Chuza ressentit en son âme la clarté constante d’une résignation toujours prête au bon travail et toujours active pour la compréhension de Dieu. Comme si l’enseignement du Maître s’était à présent gravé en son âme, elle se dit qu’avant d’être une épouse sur Terre, elle était déjà une fille de ce Père qui, depuis le Ciel, connaissait sa générosité et ses sacrifices. Son esprit répandit dans tous les labeurs une lumière sacrée et cachée. Elle chercha à oublier toutes les caractéristiques inférieures de son compagnon pour ne voir que ce qu’il possédait de bon, développant à la moindre occasion l’embryon vacillant de ses vertus éternelles. Plus tard, le Ciel lui envoya un petit enfant qui vint accroître ses travaux. Mais sans oublier les recommandations de fidélité que Jésus lui avait faites, elle transformait chacune de ses douleurs en un hymne de triomphe silencieux.
Les années passèrent et l’effort persévérant multiplia pour elle les bienfaits de la foi, dans la marche laborieuse de la connaissance et de la vie. Les persécutions politiques fondirent sur l’existence de son compagnon. Mais Jeanne se maintint fermement. Torturé par les idées haineuses de vengeance, par les dettes insolvables, par les vanités blessées, par les maladies qui dévastaient son corps, l’ancien intendant d’Antipas s’en retourna vers le plan spirituel par une nuit d’obscurité tourmentée. À l’inverse, son épouse supporta les déconvenues les plus amères, fidèle à ses idéaux divins construits sur la confiance sincère. Pressée par les plus dures des nécessités, la noble dame de Capharnaüm chercha du travail afin d’assurer à son petit enfant et à elle-même, leur quotidien. Saisies de respect humain, plusieurs amies la prévinrent. Mais Jeanne chercha à les éclairer, affirmant que Jésus aussi avait travaillé, usant ses mains sur les scies de la modeste charpenterie et qu’en se soumettant à une situation subalterne dans la vie, elle se dédierait simplement au Christ dont elle s’était fait l’esclave dévouée.
Débordant de larmes sincères, la veuve de Chuza oublia le confort de la noblesse matérielle, se dédia aux enfants d’autres mères, s’occupa des tâches domestiques les plus obscures, afin que son petit garçon puisse avoir du pain. Plus tard, quand la neige des expériences de la vie atteignit les premières boucles de son front, une galère romaine l’emporta dans sa cale, comme une humble servante.
En l’an 68, alors que les persécutions contre le Christianisme allaient bon train, nous allons retrouver une vieille femme, disciple du Seigneur, attachée au poteau du martyre au côté d’un jeune homme qui était son fils, dans l’un de ces spectacles du cirque qui s’enchaînaient.
Sous la clameur du peuple, les premières flagellations furent ordonnées.
— Abjure ! s’exclama un exécuteur des ordres impériaux, au regard cruel et sombre.
L’ancienne fidèle du Seigneur contempla le ciel, sans le moindre mot de négation ou de plainte. Alors le fouet s’abattit sur le jeune homme à demi-nu qui, en larmes, s’exclama :
— Renie Jésus, mère ! Ne vois-tu pas ce que nous perdons ? ! Abjure… pour moi, qui suis ton fils !
Des yeux de la martyre s’écoulèrent, pour la première fois, la source abondante des larmes. Les demandes de son fils sont pareilles à des épées d’angoisse lui fouaillant le coeur.
— Abjure ! Abjure !
Jeanne entend ces cris et se rappelle de son existence entière. Le foyer joyeux, les heures de bonheur, les avanies domestiques, les émotions maternelles, les fracas de son époux, son désespoir et sa mort, le veuvage, la désolation et les nécessités les plus dures… Puis, devant les appels désespérés de son petit garçon, elle se souvient que Marie aussi avait été mère et, en voyant son Jésus crucifié sur le madrier de l’infamie, elle avait su se plier aux des¬seins divins. Au-dessus de tous les souvenirs, comme l’allégresse suprême de toute sa vie, il lui semble entendre encore le Maître, chez Pierre, qui lui disait :
— Va ma fille ! Sois fidèle !
Alors, possédée d’une force surhumaine, la veuve de Chuza contemple la première victime ensanglantée et, fixant sur le garçon un regard profond et inexprimable dans sa douleur et dans sa tendresse, elle s’exclame fermement :
— Tais-toi, mon enfant ! Jésus était pur et il n’a pas reculé devant le sacrifice. Sachons souffrir à l’heure douloureuse, car au-delà de toutes les joies transitoires du monde, il faut être fidèle à Dieu !
À ce moment, sous les applaudissements délirants du peuple, les bourreaux allumèrent les bûchers imbibés de résine inflammable. En quelques instants, les flammes léchèrent son corps vieilli. Jeanne de Chuza contempla avec sérénité la masse du peuple qui ne comprenait pas son sacrifice. Ses gémissements de douleur mourraient, étouffés, dans sa poitrine op¬pressée. Les tortionnaires de la martyre lui lancèrent des insultes par-dessus le bûcher :
— Ton Christ ne t’a appris qu’à mourir ? demanda l’un des bourreaux.
Concentrant sa capacité de résistance, la vieille fidèle eut encore la force de murmurer :
— Non, pas seulement à mourir, mais également à vous aimer !
À cet instant, elle sentit que la main consolatrice du Maître touchait doucement ses épaules, et elle entendit sa voix affectueuse et inoubliable :
— Aie courage ! Jeanne, Je suis ici !