Des livres et des anecdotes : au seuil de l’invisible de William Barrett
En 1917, en France, la guerre se traîne avec des alternatives de confiance et d’angoisse. Verdun sonne le ralliement de l’énergie française et l’Allemagne ne posséde plus l’initiative de la manœuvre. Malheureusement, un vent de pessimisme passe sur plusieurs points du territoire. L’armée, un instant, en respire le souffle délétère, mais elle s’est rapidement reprise, avec Pétain. Dans l’anxiété grandissante, on va vers le dénouement.
Le spiritisme en France
Vers la fin de l’année 1916, Jean Meyer est venu trouver Léon Denis pour lui faire part de son intention d’acquérir la Revue Spirite qui depuis un an ne paraissait plus, par suite des difficultés financières dues à la guerre. La Revue Scientifique et morale du Spiritisme a de même suspendu son tirage, de sorte que le mouvement des idées, dans ce domaine, se trouve gravement compromis. Léon Denis se félicite pour cette initiative et grâce à la fermeté donnée par son nouveau directeur, la Revue Spirite reparaissait dès le mois de janvier 1917. Un laboratoire d’études métapsychiques est créé en même temps, qui deviendra l’actuel «Institut Métapsychique International ».
L’Union Spirite Française n’existe qu’à l’état embryonnaire et Jean Meyer pressent tout d’abord Léon Denis pour la présidence, mais, vu son âge, ses infirmités et son éloignement de Paris, il ne peut assumer cette charge importante. Ainsi, grâce à Jean Meyer, on met en place l’organisation du spiritisme français. La propagande spirite reprend son cours normal.
Le spiritisme en Angleterre
C’est en 1882, que la Society for Psychical Research est fondée sur l’initiative de Sir William Barrett et la présidence de Frederic Myers. Elle examine sans préjugé et dans un esprit scientifique, les facultés réelles ou supposés, des médiums qui semblent inexplicables. Les premiers travaux de la société sont consacrés à la transmission de pensée. Après de longues et patientes recherches, on considère la télépathie comme un fait établi. Dans le domaine des phénomènes, la société accomplit un gros et précieux travail, qui est enregistré avec soin dans les Proceedings (comptes rendus).
L’ouvrage
William Barrett fait connaître son intérêt pour le spiritisme dès 1875 et pense qu’un pas vers ces vérités spirituelles supérieures est essentiel et une défense contre le matérialisme. Par conséquent, il fait de nombreuses conférences et publie une première brochure Au seuil d’un monde nouveau de la pensée qui constituera le noyau du présent livre. Celui est prêt dès 1895 mais sa publication est retardée par l’apparition de nouvelles manifestations médiumniques et ce n’est que douze ans plus tard qu’Au seuil de l’invisible sort sous presse.. En effet, en ce temps-là, Eusapia Paladino, médium italien, intéresse de nombreux scientifiques. Après de longues et laborieuses investigations, on atteste l’authenticité des remarquables phénomènes produits par ce médium. Au moment de sortir l’ouvrage, d’autres savants, tout aussi compétents que les premiers, aboutirent à des conclusions totalement opposées, à la suite d’une nouvelle enquête. William Barrett prend la décision de retarder la publication et d’attendre des témoignages plus concluants, soit d’un côté, soit de l’autre si bien qu’Au seuil de l’invisible ne sort qu’en 1908 dans une première édition. Elle est rapidement épuisée. Comme une nouvelle série d’expériences est en cours par la S.P.R. William Barrett attend avant de faire paraître une seconde édition en 1917. Il refond complètement l’ouvrage et rajoute un article sur la survivance.
Nous l’avons compris son livre est le fruit d’un travail lentement maturé et d’une longue observation.
L’auteur
Il est né en Jamaïque en 1845 mais sa famille retourne en Angleterre à Royston en 1848. Il suit sa scolarité au Old Trafford Grammar School puis il poursuit en étudiant la chimie et la physique au Collège Royal de Londres. En 1873, il devient professeur de physique expérimentale à l’Université Royale des Sciences de Dublin.
C’est dans les années 1860 qu’il s’intéresse au paranormal après avoir assisté à une expérience de mesmérisme. Il se penche sur les phénomènes de poltergeists, puis ensuite à l’ensemble des manifestations médiumniques. A partir de 1882, il participe aux travaux de la Society for Psychical Research sur la médiumnité. En 1904, il en devient président. Il écrit de nombreux articles à ce sujet ainsi que des ouvrages et se désincarne en 1925.
Ses expériences
Son intérêt pour les phénomènes psychiques se développa suite à l’observation de certains bruits qui semblaient suivre une fillette de dix ans. En présence de cet enfant d’un ami avocat, les sons semblaient avoir une source intelligente et ils répondaient correctement aux questions posées à l’aide d’un seul coup pour oui et deux pour le non.
Pour sa deuxième expérience, il s’agissait du cas d’une dame qui vivait en famille chez son cousin, photographe connu à Dublin. Elle n’était pas un médium professionnel rétribué et aucune des séances avaient lieu dans l’obscurité. Des coups se faisaient entendre dans la table et qui répondaient aux questions posées. Les mains et les pieds de tous étaient parfaitement visibles et personne ne touchait la table. Elle se soulevait à 25 cm du sol malgré son poids.
Ecoutons donc un passage de son livre
L’écriture automatique, les preuves d’identité
Il est intéressant de constater que l’écriture automatique est une des plus anciennes formes de communications. Il y a plus de 2.000 ans, un voyant hébreu en parlait en ces termes : « Tout ceci, le Seigneur me l’a rendu intelligible en l’écrivant, sa main posée sur moi ».
Les communications automatiques s’obtiennent au moyen d’un crayon tenu passivement sur une feuille de papier, par la planchette ou par le oui-ja. Cette dernière méthode consiste à toucher légèrement des doigts un indicateur, planchette ou tout autre dispositif ; au bout d’un moment, il se meut plus ou moins rapidement vers les différentes lettres imprimées de l’alphabet qui se trouvent sous la table ou rangées dessus. Nous en possédons cependant quelques témoignages dignes de foi.
M. Myers cite deux exemples bien attestés d’écriture automatique par des enfants qui n’avaient pas appris à écrire. L’un avait cinq ans et ne savait pas encore une seule lettre de l’alphabet, l’autre venait d’avoir quatre ans et n’avait aucune notion d’écriture. Ce dernier cas fut étudié par le Dr Hodgson, qui examina l’écriture obtenue au moyen d’un crayon tenu par l’enfant avec les doigts du milieu.
M. Myers ajoute : « J’ai vu le tracé de la dernière phrase : Votre tante Emma. L’écriture est libre, elle ressemble à celle qu’un adulte obtient avec la planchette, plutôt qu’au premier effort d’un enfant.»
La petite fille avait eu une tante de ce nom morte quelques années auparavant. Elle mourut elle-même peu après avoir transmis ce message. Les parents n’étaient pas spirites et la mère certifie que son enfant ne savait pas l’alphabet, ni même tenir le crayon.
Je donne ces détails pour établir ce fait, quelle que fût la source de l’intelligence manifestée, elle était absolument en dehors des facultés humaines normales.
Voici un autre exemple, un message reçut les yeux bandés. Le médium était Isaac David Salomon. C’était le 19 octobre 1912, la guerre des Balkans venait d’éclater : « Du sang, du sang partout, immédiatement à l’Est. Une grande nation tombera et une petite nation s’élèvera. Une grande religion sera en danger… Du sang partout. Des nouvelles qui étonneront le monde civilisé seront connues la semaine prochaine. »
Quelle qu’ait été la source de ce message, il était véridique. Une semaine plus tard, en effet, nous apprîmes la première victoire bulgare, celle de Kirk-Kilissé. Puis la Turquie tomba et la petite Bulgarie s’éleva. Plus récemment enfin, l’Europe fut baignée dans le sang.
Un autre exemple :
Mlle C. avait un cousin, officier dans l’armée de France, qui fut tué un mois avant cette séance. Cela, elle le savait. Un jour que le nom de son cousin avait été épelé d’une manière inattendue, et qu’elle-même avait été nommée après avoir demandé : « Savez-vous qui je suis ? » la communication suivante fut obtenue :
« Dites à ma mère de donner mon épingle de cravate à tête de perle à celle que je devais épouser : c’est elle qui doit l’avoir. »
On demanda les nom et prénoms de la personne et son adresse. Son nom était peu ordinaire et tout à fait inconnu des assistants. L’adresse donnée à Londres était fausse ou mal prise car la lettre envoyée fut retournée à l’expéditeur.
Six mois après, on découvrit que l’officier s’était fiancé peu avant de partir pour le front à cette même dame : il n’en avait parlé à personne. En Irlande, ni sa cousine, ni les siens ne le savaient ; ils n’avaient jamais vu la fiancée, ni même entendu son nom. Ce fut seulement lorsque le ministère de la guerre retourna les effets de l’officier qu’on vit qu’il avait parlé de cette dame dans son testament. Les nom et prénoms étaient bien ceux qui avaient été donnés dans le message et, ce qui est également remarquable, une épingle de cravate à tête de perle fut trouvée dans les effets.