Dans l’invisible

Nous sommes en 1903, la France a comme président Emile Loubet. On inaugure la ligne 2 du métro parisien. Les catholiques et les socialistes s’affrontent pour défendre les congrégations. Au mois de juillet part pour 2500 km, des cyclistes pour le 1er tour de France.

En Touraine

Léon Denis, l’écrivain spirite du moment, donne à Tours des conférences, il a 57 ans. Après le succès du congrès de 1900, il est reconnu dans le monde spirite et ne cesse de travailler à un ouvrage qui lui tient à cœur : Dans l’invisible.

Interview

Voici l’interview qu’il aurait pu nous accorder…
– Pourquoi avez-vous écrit un ouvrage sur la médiumnité ?
– J’ai souvent abordé ce sujet qui met tient particulièrement à cœur au cours de mes conférences mais le temps me manquait pour réaliser un développement suffisant. Ecrire un ouvrage sur ce sujet devenait donc nécessaire.
– Avez-vous été aidé par des entités supérieures ?
– Oui, au cours de nos réunions dans mon groupe, nos guides nous ont éclairés sur bien des points.
– C’est un ouvrage important, il fait plus de 300 pages, n’est-ce pas ?
– En effet, avec le développement rapide du spiritisme, il était temps d’établir d’écrire quelque chose sur ce sujet. Depuis la publication des oeuvres d’Allan Kardec, spécialement du Livre des Médiums, un vaste et constant mouvement d’expérimentation médiumnique s’est développé, surtout dans les pays anglo-saxons. En France, il n’existe pas encore d’ouvrage où fut condensé le résultat de semblables recherches.
– Pensez-vous que cela constitue un danger ?
– Certainement, il y a ceux qui ont la foi et qui montrent souvent une impatience et une intransigeance nuisibles à la propagation de l’idée. D’autres sont indécis et tracassés par le doute, ils formulent des réserves et renouvellent périodiquement des critiques en matière de médiumnité. Enfin, il y a le clan des sceptiques qui militent pour pousser plus à fond les investigations et d’étudier au plus près les phénomènes. Déjà, la critique scientifique se montre moins systématique et s’engage peu à peu dans la voie du psychisme transcendantal.
– Votre livre vient combler cette lacune…
– C’est une mise au point de la question spirite en ce début de siècle. Mon livre se veut d’être une œuvre de vulgarisation et de défense. Tous les phénomènes complexes produits par la médiumnité ont reçu des solutions plus ou moins fantaisistes. On parle de subliminal, de subconscience, de personnalité seconde. On a embrouillé la question, il faut maintenant retrouver le fil, donner à ces faits une juste interprétation et préciser les lois fondamentales de la communication spirite.
– Vous vous élevez avec force contre les abus de l’expérimentation psychique ?
– Effectivement, on pense régenter le phénomène et des chercheurs infatués et imprudents abordent sans expérience ce domaine nouveau et dangereux du fait de leur ignorance.
– Dans la première partie de votre livre, vous concédez à la femme un rôle de médiateur dans la famille et une place que peu d’hommes lui offrent.
– C’est important de le souligner car elle est reléguée au second plan dans notre civilisation encore barbare. La femme aspire à prendre au foyer, au temple, dans la cité, la place qui lui revient près de l’homme, son égal.
– Au chapitre suivant, vous abordez le spiritisme expérimental et vous établissez une classification dans les phénomènes. Comment avez-vous abordé cette partie là ?
– Nous avons reçu de nombreux messages dans notre groupe, ils sont d’un intérêt capital pour parler de l’expérimentation.
– Nous avons que vous étiez médium écrivain avant de devenir orateur et vous vous sentez souvent en relation permanente avec vos amis de l’invisible.
– Cela permet de parler facilement de la pratique de la médiumnité et de ses dangers. Je ne m’inquiète pas des reproches que l’on peut me faire ; dans un tel débat, le spiritisme ne peut sortir que grandi.
– Nous avons souligné votre dernier paragraphe sur la médiumnité glorieuse, ce sont des pages d’une grande envolée et porteuse d’espoir.
– Les médiums de notre temps sont persécutés ; nous vivons en des temps troublés, où l’on ne sent plus guère ces choses. Très peu, parmi nos contemporains, s’élèvent jusqu’à ces sommets, où l’on peut voir le flux et le reflux harmonieux des événements. Il devait nécessaire de montrer le beau et le grand dans cette communion avec le monde supérieur. Par cette étude constante et approfondie, on va trouver une grande ressource et un réservoir inépuisable où pourront s’alimenter la pensée et la vie.
– Monsieur Léon Denis, nous vous remercions pour ces réponses.

Son ouvrage

Ce très beau livre que nous présente aujourd’hui M. Léon Denis est le fruit mûri de sa grande expérience, le résultat brillant et solide de ses investigations et de son savoir. Avec lui le spiritisme sort des pratiques coutumières, des camps rivaux et des chapelles fermées. Il s’élève à une conception supérieure de la vie spirituelle et de la vie morale. Il va de l’expérimentation scientifique au noble essor de l’âme.

Ecoutons donc un passage :

« Nous savons que tout vibre et rayonne dans l’univers, car tout est vie, force, lumière. La nature, dans ses moindres atomes, est pénétrée d’une énergie infinie, source de tous les phénomènes. De même, chaque Esprit, libre ou incarné, a, selon son état d’avancement et de pureté, un rayonnement de plus en plus intense, rapide, lumineux.
La loi des attractions et des correspondances régit toutes choses ; les vibrations, en attirant des vibrations similaires, rapprochent et unissent les cœurs, les pensées, les âmes.
Nos convoitises, nos désirs mauvais, créent autour de nous une atmosphère fluidique malsaine, favorable à l’action des influences de même ordre, tandis que les hautes aspirations attirent les vibrations puissantes, les radiations des sphères supérieures.
Tel est le principe de l’évolution ; il réside dans le pouvoir de l’être de s’assimiler les forces mystérieuses de la nature, pour s’élever avec leur aide et remonter de degré en degré vers la cause des causes, vers la source intarissable d’où découle toute vie.
L’échelle ascensionnelle comporte des plans successifs et superposés ; sur chacun d’eux les êtres sont doués du même état vibratoire, de moyens de perception analogues qui leur permettent de se reconnaître les uns les autres, tandis que restent invisibles, et souvent même inconnaissables pour eux, les êtres des plans supérieurs, par suite de leur état vibratoire plus rapide et de leurs conditions de vie plus subtiles et plus parfaites.
C’est ce qui se produit pour les Esprits, entre eux, selon leurs différents degrés d’épuration, et pour nous-mêmes par rapport à eux. Mais de même qu’on peut agrandir le champ de la vision humaine, à l’aide des instruments d’optique, de même on peut accroître ou réduire la somme des vibrations, de façon à atteindre un état intermédiaire où les modes d’existence de deux plans distincts se combinent et entrent en rapport.
Pour communiquer avec nous, l’Esprit devra amoindrir l’intensité de ses vibrations, en même temps qu’il activera les nôtres. L’homme y peut aider par sa volonté ; le point à atteindre pour lui constitue l’état de médiumnité.
Nous savons que la médiumnité, dans la plupart de ses applications, est la propriété que possèdent certains d’entre nous de s’extérioriser à des degrés divers, de se dégager de leur enveloppe charnelle et de donner plus d’amplitude à leurs vibrations psychiques. De son côté, l’esprit que la mort a libéré s’enveloppe de matière subtile et amortit ses propres radiations pour se mettre à l’unisson du médium. »