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Les Éditions Philman - Librairie et Bibliothèque de livres et revues spirites

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La réincarnation, un mot nouveau pour une chose nouvelle

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la réincarnation selon le spiritisme

la réincarnation selon le spiritisme

Ce mot, réincarnation si familier, n’a pourtant fait son apparition qu’au XIXème siècle, sous la plume d’Allan Kardec qui a eu besoin de cette précision pour écrire le Livre des Esprits. D’ailleurs, les tous premiers mots de cet illustre ouvrage sont : «Pour les choses nouvelles, il faut des mots nouveaux, ainsi le veut la clarté du langage, pour éviter la confusion inséparable du sens multiple des mêmes termes.»

La réincarnation : un mot occidental et moderne

En effet, aussi étonnant que cela puisse paraître, dans la plupart des bons dictionnaires étymologiques il est écrit que le mot réincarnation ne daterait que de 1875. C’est en effet cette année-là que le Journal Officiel en donne une première définition publique : «Action de reprendre une nouvelle chair, un nouveau corps, de revivre. Les principales croyances des Égyptiens sur les péripéties de la vie ultra terrestre, terminées par la justification du défunt et la réincarnation.» [Journal officiel 14 déc. 1875, p. 10319, 3ème page]
Puis, le terme de réincarnation se trouve défini pour la première fois dans le Grand dictionnaire universel du XIXème siècle de Larousse où il est écrit : «Ce néologisme, de forme correcte, sinon élégante, a été mis en circulation par le spiritisme et adopté même par la langue philosophique. Il désigne ce fait, considéré comme authentique dans les écoles spirites de nos jours, à savoir que la même âme, le même esprit s’incarne tour à tour aux différents corps».
Les spirites, eux, connaissaient ce mot depuis déjà presque vingt ans puisqu’Allan Kardec l’avait utilisé dès sa première publication spirite, à savoir dans le Livre des Esprits, qui était paru le 18 avril 1857. C’est dans le chapitre Pluralité des existences que Kardec l’a introduit, en nommant le premier sous chapitre De la réincarnation.
L’étymologie en est aisée pour comprendre qu’il s’agit du retour dans la chair, autrement dit de l’incarnation dans un nouveau corps. Kardec en donne une définition rapide à la fin du Livre des Médiums : «Réincarnation : Retour de l’Esprit à la vie corporelle. Pluralité des existences.»

Les autres mots pour parler de la pluralité des existences

Pourtant, la conviction que les êtres humains disposaient de plusieurs vies était présente dès les premières civilisations et dans le monde entier, autrement dit, on croyait en la réincarnation bien avant l’arrivée du spiritisme. Alors comment faisait-on pour en parler avant ? Qu’est-ce qui explique que les mots précédents ne convenaient pas à Kardec pour qu’il sente la nécessité d’en créer un nouveau ?
Dès l’antiquité, que ce soit en Inde, en Chine, en Égypte, en Grèce, dans le monde romain ou chez les gaulois, les celtes ou même dans les Évangiles, on parle de réincarnation mais avec d’autres mots et quelques nuances…
Le mot palingénésie (du grec palin «de nouveau» et genesis «naissance») est traduit le plus souvent par «renaissance» et signifie «retour à la vie». Platon l’emploie pour parler de l’âme qui renaît dans d’autres corps et les stoïciens s’en servent pour parler de la régénération périodique du monde. En effet, ce retour à la vie concerne les divers éléments de la nature : les plantes se nourrissent de minéraux, les animaux se nourrissent de plantes, les hommes se nourrissent des animaux ou de leurs produits ; en respirant, tout vivant assimile germes et poussières. Donc, dans ce cycle toujours recommencé, les composés de la vie s’échangent, se redistribuent après la mort. C’est ce qu’on appelle la palingénésie universelle qui provient d’une ancienne croyance appelée orphisme et qui a donné le fameux : «Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme». Platon expose ainsi la palingénésie orphique : «Il existe une antique tradition [l’orphisme], dont nous gardons mémoire, selon laquelle les âmes arrivées d’ici existent là-bas [dans l’Hadès, l’Au-delà], puis à nouveau font retour ici même et naissent à partir des morts. S’il en va de cette façon, c’est à partir de ceux qui moururent un jour que les vivants naissent à nouveau, (…) les vivants ne proviennent d’absolument rien d’autre que des morts. (…) Ce point, ne l’examine pas seulement à propos des hommes, mais aussi à propos de tous les animaux, de toutes les plantes et, plus généralement, de toutes les choses comportant un devenir»
Nous voyons que ce terme ne peut donc pas correspondre avec l’idée d’une individualité qui tend vers l’évolution, le progrès.
Le terme de métempsychose (de méta «changement» et psychè «âme»), très employé dans le passé, date du 1er siècle avant Jésus-Christ et désigne le passage de l’âme qui peut animer successivement différents corps soit d’humains, soit d’animaux, soit même de végétaux ou de minéraux. La métempsychose implique donc qu’il puisse y avoir renaissance dans des corps considérés comme inférieurs. Or le spiritisme ne peut admettre des régressions (Questions 193 du Livre des Esprits). En résumant la doctrine spirite dans l’introduction du Livre des Esprits, Allan Kardec avait écrit : «L’incarnation des Esprits a toujours lieu dans l’espèce humaine ; ce serait une erreur de croire que l’âme ou Esprit peut s’incarner dans le corps d’un animal». Et il avait alors ajouté, en note de bas de page : «Il y a entre cette doctrine de la réincarnation et celle de la métempsychose, telle que l’admettent certaines sectes, une différence caractéristique qui est expliquée dans la suite de l’ouvrage.». Allan Kardec est encore plus précis, par la suite, lorsqu’il écrit Qu’est-ce que le Spiritisme ? : «La pluralité des existences, selon le spiritisme, diffère essentiellement de la métempsychose, en ce qu’elle n’admet pas l’incarnation de l’âme dans les animaux, même comme punition. Les Esprits enseignent que l’âme ne rétrograde pas, mais qu’elle progresse sans cesse. Ses différentes existences corporelles s’accomplissent dans l’humanité ; chaque existence est pour elle un pas en avant dans la voie du progrès intellectuel et moral, ce qui est bien différent. Ne pouvant acquérir un développement complet dans une seule existence souvent abrégée par des causes accidentelles, Dieu lui permet de continuer dans une nouvelle incarnation, la tâche qu’elle n’a pu achever, ou de recommencer ce qu’elle a mal fait. L’expiation, dans la vie corporelle, consiste dans les tribulations que l’on y endure.»
Le terme métensomatose (de meta «changement», et soma «corps») signifie déplacement du corps et désigne le passage d’un corps dans un autre corps, autrement dit, il s’agit d’une «incorporation successive». C’est la croyance du bouddhisme pour qui l’âme n’existe pas et où le moi n’est qu’illusion de l’identité individuelle qui s’éteint dans la vacuité. Cela n’empêche pas que des éléments physiques ou psychiques transmigrent en partie chez d’autres êtres, même avant la mort. C’est ce que les bouddhistes appellent la Punarbhava. Dans la métensomatose, il s’agit donc d’une transformation d’un corps à un autre ou bien d’un changement de corps mais sans la présence d’une âme individualisée qui cherche à évoluer.
Pour le mot résurrection (de resurgere «se relever»), nous nous contenterons de citer Kardec qui, dans l’Évangile selon le Spiritisme, nous donne tous les éléments pour distinguer la résurrection de la réincarnation : «La réincarnation faisait partie des dogmes juifs sous le nom de résurrection ; seuls les sadducéens, qui pensaient que tout finit à la mort, n’y croyaient pas. Les idées des Juifs sur ce point, comme sur beaucoup d’autres, n’étaient pas clairement définies, parce qu’ils n’avaient que des notions vagues et incomplètes sur l’âme et sa liaison avec le corps. Ils croyaient qu’un homme qui a vécu pouvait revivre, sans se rendre un compte précis de la manière dont la chose pouvait avoir lieu ; ils désignaient par le mot résurrection ce que le spiritisme appelle plus judicieusement réincarnation. En effet, la résurrection suppose le retour à la vie du corps qui est mort, ce que la science démontre être matériellement impossible, surtout quand les éléments de ce corps sont depuis longtemps dispersés et absorbés. La réincarnation est le retour de l’âme ou Esprit à la vie corporelle, mais dans un autre corps nouvellement formé pour lui, et qui n’a rien de commun avec l’ancien. Le mot résurrection pouvait ainsi s’appliquer à Lazare, mais non à Élie, ni aux autres prophètes. Si donc, selon leur croyance, Jean-Baptiste était Élie, le corps de Jean ne pouvait être celui d’Élie, puisqu’on avait vu Jean enfant et que l’on connaissait son père et sa mère. Jean pouvait donc être Élie réincarné, mais non ressuscité.»
On parlera aussi parfois de l’Éternel retour qui laisse entendre l’idée d’une répétition éternelle des mêmes évènements au bout d’une longue période. Par exemple, selon les stoïciens, on reverra un Socrate, pas exactement le même mais un Socrate fait des mêmes éléments et qui referait les mêmes choses que le Socrate historique. Ici encore, même si l’on s’accorde à penser qu’il y a une certaine évolution entre les deux «Socrates», il y a aussi une liberté d’action et de pensée qui est grandement limitée…
Autre concept courant : la transmigration des âmes (de trans «au-delà» et migrare «aller») qui signifie qu’à la mort d’un être vivant, un élément de ce qui constitue cet être migre et reprend naissance dans une nouvelle condition soit corporelle, incarnée (comme dans un être humain ou un animal) soit non corporelle, non incarnée (donc à l’état d’Esprit). Autrement dit, il s’agit du passage de certains éléments de l’âme ou du corps dans de nouvelles formes d’existence. C’est donc le terme le plus générique puisqu’il englobe tous les autres termes. Mais il est, justement, beaucoup trop général pour traduire avec précisions un nouveau concept d’évolution positive.

Le besoin d’une conception positive

Comme on l’a vu, tous ces termes présentent des nuances et aucune de ces nuances ne pouvait traduire la pensée de Kardec qui, avec toute la précision rhétorique qui le caractérise, voulait juste parler du «retour dans la chair».
De plus, tous ces anciens termes avaient pris une signification négative ou ridicule. Preuve en est avec le dictionnaire Littré définissant le mot métempsychose comme un terme de théologie païenne et citant Voltaire : «Le roman théologique de la métempsychose vient de l’Inde dont nous avons reçu beaucoup plus de fables qu’on ne croit communément … Pour que la métempsychose pût être admise, il faudrait que quelqu’un de bonne foi se ressouvint bien positivement qu’il a été un autre homme.»
Il faut dire, qu’à ce moment-là, fleurissaient les proverbes d’évidence comme : «On n’a qu’une vie» ou «On ne meurt qu’une fois» qui rompaient avec les croyances antiques sur la survivance de l’âme. L’Église n’était pas étrangère à ce changement de conception puisqu’on sait que, jusqu’au 6ème siècle, la Bible contenait de nombreuses références à la réincarnation et cette croyance était largement répandue chez les chrétiens d’alors. Mais, comme beaucoup d’hommes, ils avaient tendance à remettre tout effort à plus tard en disant : «Ce défaut-là, je le corrigerai dans ma prochaine vie…» Alors, au 2ème concile de Constantinople, en 553, il a été décidé d’expurger de tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament toute mention de la réincarnation et de décourager cette croyance.
Pour sortir de ces notions péjoratives, Allan Kardec n’avait donc pas d’autre choix que de créer un mot nouveau, répondant à l’idée nouvelle qui était une conception positive de l’évolution humaine, contrairement à la notion de métempsychose où l’on peut avoir le châtiment de revenir à une vie d’animal, de végétal voire même de minéral.

Les détracteurs

Si, comme nous l’avons vu, le mot réincarnation est devenu si courant que les spirites eux-même en ont oublié la très proche origine, il n’en a pas été toujours de même et l’on peut aisément imaginer les critiques qui se faisaient d’autant plus véhémentes qu’une fange non négligeable de la population retrouvait un sens à son existence grâce, en partie, à ce concept.
Pour mieux le comprendre, lisons un extrait du livre L’erreur spirite écrit par René Guenon en 1923 : «Nous ne pouvons songer à entreprendre ici une étude absolument complète de la question de la réincarnation, car il faudrait un volume entier pour l’examiner sous tous ses aspects ; peut-être y reviendrons-nous quelque jour ; la chose en vaut la peine, non pas en elle-même, car ce n’est qu’une absurdité pure et simple, mais en raison de l’étrange diffusion de cette idée de réincarnation, qui est, à notre époque, une de celles qui contribuent le plus au détraquement mental d’un grand nombre.
Nous venons de prononcer le mot de «conception philosophique» ; celui de «conception sociale» serait peut-être encore plus juste en la circonstance, si l’on considère ce que fut l’origine réelle de l’idée de réincarnation. En effet, pour les socialistes français de la première moitié du XIXème siècle, qui l’inculquèrent à Allan Kardec, cette idée était essentiellement destinée à fournir une explication de l’inégalité des conditions sociales, qui revêtait à leurs yeux un caractère particulièrement choquant. Les spirites ont conservé ce même motif parmi ceux qu’ils invoquent le plus volontiers pour justifier leur croyance à la réincarnation, et ils ont même voulu étendre l’explication à toutes les inégalités, tant intellectuelles que physiques. (…) Aujourd’hui, on peut dire que le spiritisme français tout entier a fait de la réincarnation un véritable «dogme» ; Allan Kardec lui-même, d’ailleurs, n’avait pas hésité à l’appeler de ce nom. C’est au spiritisme français, rappelons-le encore, que cette théorie fut empruntée par le théosophisme d’abord, puis par l’occultisme papusien et diverses autres écoles, qui en ont fait également un de leurs articles de foi ; ces écoles ont beau reprocher aux spirites de concevoir la réincarnation d’une façon peu «philosophique», les modifications et les complications diverses qu’elles y ont apportées ne sauraient masquer cet emprunt initial.»
Ce texte nous permet de voir comment, en moins d’un siècle, la conception de la réincarnation a évolué puisqu’un sondage, paru en 1994 dans Les valeurs des Français (PUF) indiquait qu’un quart de nos concitoyens croyaient en la réincarnation et ce chiffre n’a cessé d’augmenter encore, depuis ces 20 dernières années, comme l’atteste l’intérêt des lecteurs pour tous les ouvrages qui traitent de ce sujet. C’est ainsi que ce mot nouveau répondant à une idée nouvelle a su créer, autour de lui, de nouveaux et nombreux adeptes, même si, pour leur très grande majorité, ils ne sont pas spirites…

Livres de Henri Sausse

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